Le Carlton, une histoire de militantisme

Les liens du Carlton avec l’Algérie sont forts. Il y a 32 ans disparaissait Messaoud Ben Smail, djerbien ordinaire et héros tunisien anonyme de l’indépendance algérienne. Il est aussi devenu le propriétaire du Carlton en 1959.

Messaoud Ben Smail a commencé comme apprenti épicier expatrié en Algérie. En 1930, il prend les devants pour devenir maallem, en ouvrant « La Grande Épicerie » au marché de Constantine.

Au milieu des années 40, à la fin de la guerre, il s’installe à Annaba (Bône), dans l’Est algérien. Son épicerie, « Le Palais », fait dans le commerce de gros et détail.

Messaoud Ben Smail est témoin de l’éveil de la contestation nationaliste algérienne. Il établira dès le début des années 50 de solides contacts avec des membres du Néo Destour clandestin de Bourguiba.

Installé à Bône, Messaoud était une courroie de transmission précieuse avec les membres du FLN.

Dans les coulisses, l’épicerie de Bône aura un tout autre rôle, elle sera un lieu de résistance pour le FLN. Les militants y passaient la nuit, dans l’arrière-boutique, avec les apprentis.

Au printemps 1961, la tension est palpable. Le FLN multiplie les opérations de résistance, et l’épicerie est l’objet de plus d’une provocation. « Retourne chez ton Bourguiba ! » lancent de jeunes colons aux blouses grises.

Messaoud a de bonnes relations avec le préfet local. Ce dernier l’avertira à l’avance des représailles qui se préparent contre lui.

Messaoud quittera l’Algérie sans se douter que son magasin serait, en son absence, la proie du plus important attentat jamais commis en Algérie ! Une énorme charge incendiaire détruit les locaux : quatre morts, dont un apprenti de 15 ans, tous djerbiens, tous parents ou proches. L’OAS avait frappé.

Choqué par cette tragédie, il s’installera à Tunis, où il venait d’acquérir un des plus anciens hôtels de la capitale, le « Carlton », qui devient dès lors, et jusqu’à l’indépendance de l’Algérie en 1962, le lieu de rendez-vous des militants et cadres du FLN à Tunis.

Pendant longtemps le « Carlton » restera l’hôtel favori des algériens. Après Messaoud Ben Smail, son petit-fils, Ridha Boubekri a dirigé l’hôtel pendant des années. Son père livrait les colis au FLN à Bône.

À sa retraite, ce sera au tour d’un autre petit-fils de Messaoud, fils de Mohamed ben Smail, le « journaliste fellaga », de prendre la suite.

La nuit du 14/01/2011, l’hôtel Carlton protègera de la police plus de 170 manifestants tunisiens, reprenant sa place d’hôtel « militant » pour la liberté.